Visite nocturne [Libre]

Il faisait nuit noire.
Seuls les réverbères laissaient aux passants une chance de se repérer dans les rues sombres du Bronx. Dora n'en avait pas besoin. Se déplaçant en silence entre les immeubles et sur les toit, elle se rendait dans l'un de ses endroits préféfés. Le Bronx Community College. Mais ce n'était pas tant les salles de classes et les tableaux crayeux qui l'intéressaient ; plutôt le monument qui se trouvait dans l'enceinte du bâtiment. Arrivée à destination, Dora s'arrêta net et jeta un bref regard aux alentours. Personne. Parfait.
Perchée sur l'avant-toit d'un petit bâtiment devant l'entrée - probablement celui du gardien durant la journée - [Ici] elle s'assit et contempla, tout simplement. Le parc, les sculptures... à chaque fois qu'elle venait ici, elle se demandait si elle oserait entrer. Mais ce n'était jamais le cas. Elle se contentait d'imaginer ce qu'elle avait vu il y a plusieurs années de cela. Aujourd'hui, Dora avait trop peur de se faire surprendre.

Comme elle y songeait, elle repensa au gardien. Elle savait à quelle heure il passait de ce côté-là, et n'avait donc pas peur de se faire voir. Tendant l'oreille, elle tenta de percevoir d'autres bruits que ceux qui accompagnaient habituellement ses petites virées nocturnes. Ronronnement de moteurs, plus loin sur la route, souffle du vent, bruissement des feuilles lorsqu'un animal nocturne s'y déplaçait. Dora se détendit légèrement et, assise au bord de l'avant-toit, alla même jusqu'à balancer ses jambes au-dessus du vide, une paire de bras croisés, l'autre s'appuyant derrière elle, tandis que la première reposait sur ses genoux.

Soudain, Dora pu entendre d'autres bruits. Un bruit de disputes notamment. Et pas de dix putes, attention, car c'était pourtant bien à une péripatéticienne qu'Adam avait donné rendez-vous. Ce dernier n'était pas son mac et n'avait rien d'autre à voir avec qu'une relation strictement mutante. Les éclats de voix se faisaient de plus en plus violents. On pouvait facilement comprendre : la mutante voulait avertir la police, la presse et tout avouer. Avouer les secrets de la corporation qui n'en avait pas besoin à cette heure. Adam essayait de la ramener dans le droit chemin mais ce revirement l'énervait plus que tout. Et plus l'autre haussait le ton, plus Adam réagissait violemment à son tour.

A la fin, la fille fit demi-tour. Le carpocapse fit un bond en avant et l'attrapa par le bras pour la retenir. La fille se retourna violemment et utilisa son pouvoir. Du moins, c'était ce qu'il supposa puisqu'il se retrouva propulsé plusieurs mètres en arrière et s'écrasa sur le sol, glissant même sur quelques dizaines de centimètres. La fille resta à le regarder d'une manière hautaine et annonça :

"Tsss ! Le grrrand carpocapse lui-même, mis à terre par une simple femme. Les gens vont bien rire quand il liront ça dans le journal demain."

La menace était de trop. Le carpocapse en question se dressa sur un coude et leva la main droit devant lui. Cette dernière tremblait puis devint immobile. On entendit quelques bruits de pattes et un lion sauta sur la mutante pour la projeter elle aussi à terre. L'homme à terre restait immobile. La tête du lion sauta soudainement dans une grande gerbe sanglante. La fille se releva alors. Il semblait que rien ne se passait. Puis, soudainement. UNe araignée descendit de son fil, puis une autre et enfin une autre. Une multitude arriva. Trop pour qu'elle puisse toutes les faire exploser. Petit à petit, la fille se trouva emmaillotée et incapable de bouger. Adam se releva en titubant et arriva près d'elle :

"Oublie cette idée et reviens.
- Jamais ! Vous n'êtes que des sauvages !
- Et toi, une traître. Tu feras un bon exemple."

A nouveau, il leva la main droite en direction de la fille et des corbeaux arrivèrent et commencèrent à se nourrir de ce corps encore vivant. Bien que le pouvoir du mutant l'empêchait de bouger, il n'aurait pas réagit face à ce spectacle. Cette fille n'était plus qu'un obstacle. Un obstacle en train d'être abbatu d'ailleurs. Les cris faiblissaient maintenant. Adam pensa dans son immobilité de statue qu'il lui faudrait un jour offrir un toast en l'honneur de La Fontaine. Ce fabuliste se révélait extrémement utile. Quelle chance qu'on lui ait offert le recueil de ses fables.


[a toi de voir si la fille est déjà morte ou pas.]

Dora balançait ses pieds au-dessus du vide, lentement. Le nez en l'air, elle essayait de distinguer des étoiles dans le ciel noir de New York. Mais avec toutes ces lumières, avec tous ces buildings, c'était quasiment impossible. Dora se promit de sortir de la ville un de ces jours, et de se trouver un coin tranquille pour observer le ciel. Des éclats de voix interrompirent soudain ses rêveries. La jeune femme releva la tête. Un homme et une femme, d'après ce qu'elle pouvait constater. Elle n'y prêta tout d'abord pas plus d'attention. Un couple qui se chamaillait ? C'était courant. Le menton dans une de ses mains droite, elle soupira. Les gens ne se rendaient pas compte de la chance qu'ils avaient.

Le ton monta. Dora essaya de les ignorer, mais la "discussion" semblait s'envenimer de plus en plus. Soudain, un bruit bizarre. Comme quelque chose qui explosait dans un gargouilli, puis un cri. Cette fois, la jeune femme était inquiète. Sans plus attendre, elle sauta vivement de son point d'observation et se dirigea dans la direction des éclats de voix. Arrivée à un arbre, elle s'y hissa et, légère comme une feuille, se posa sur une branche. Les yeux grands ouverts - enfin, seulement deux d'entre eux - elle scruta l'obscurité. À quelques pas se tenaient deux personnes. Non, plus que ça. Elles étaient à terre, et sur l'une d'entre elle... Dora frissonna. De la famille à elle. Elle regarda sans comprendre les araignées s'acharner sur la femme au sol. Elle ne comprenait pas leur réaction. Pourquoi s'en prenaient-elles à une humaine ? Pourquoi sortaient-elles ainsi, en groupe ? Et surtout, pourquoi diable l'homme en face ne faisait-il rien ? La fille se tordit sur le sol, emprisonnée dans la toile. Dora hésita. Et soudain, l'homme en face leva le bras, et elle comprit. Lorsque les corbeaux fondirent sur la jeune femme, tout s'éclaira pour Dora. C'était un mutant. Et il voulait la tuer ! Dora sauta de son perchoir et atterit au pied de l'arbre, les huit poings serrés. Elle ne devait pas hésiter une seconde de plus. Elle devait se porter au secours de cette jeune femme, dont les cris faiblissaient déjà. À la fois dégoûtée et horrifiée et par le carnage, et par l'attitude cruelle du mutant, elle leva une main au niveau de son visage, et cracha un mince fil de toile et direction de la femme. Le fil semblait infini ; il recouvrit la jeune femme de la tête aux pieds, se collant au sol tout autour d'elle, en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Enfin, il s'était tout de même écoulé une bonne demi-seconde. Dora voulait s'assurer que la fille à terre ne pouvait être atteinte par les corbeaux. Les araignées avaient disparu. Dora s'approcha et essaya de chasser ces maudits volatiles, tout en gardant un oeil sur le mutant d'en face.

- Vous êtes malade ! s'exclama-t-elle, encore sous le choc.

Elle avait vu de nombreuses personnes en attaquer d'autres dans la rue, le soir. Et elle savait que certains mutants ne portaient pas les humains dans leur coeur. Mais jamais elle n'en avait eu visuellement la preuve. Comment pouvait-on s'en prendre à quelqu'un qui n'avait pas les moyens de se défendre ? Pour la jeune femme, qui ignorait que celle qu'elle avait sauvé était une mutante, une telle attitude était injuste et révoltante. Elle tenta de reprendre son calme malgré la situation. Comme l'homme à terre ne faisait pas mine de bouger, elle le relança :

- J'espère pour vous que vous avez une bonne excuse ! fit-elle d'une voix un peu tremblante.

Elle s'approcha de la femme, immobile, et écarta légèrement le fil de la toile pour voir son visage. Il était dans un sale état. Respirait-elle encore ? Rien n'était moins sûr...

- Mademoiselle ! Mademoiselle ! s'exclama Dora, effrayée. Vous m'entendez ?

Pas de réponse. Elle jeta un regard à la fois accusateur et plein d'incompréhension au jeune homme en face. Il n'était sûrement pas plus âgé qu'elle. Sa silouhette et son visage longs et fins le faisaient ressembler à une fille, mais Dora avait reconnu le timbre de sa voix comme étant celui d'un homme. Et de près, aucun doute. Malgré son air androgyne, c'en était bien un.

[HJ : Je suppose que le pouvoir de la mutante sur Adam prendra fin lorsqu'elle mourra ?^^']

[euh, je supposais que le pouvoir de la fille était de projeter des jets (en anglais blast, jene suis pas sur de la traduction >.<) d'energie. Je ne sais pas trop ce que tu as vu. ^^']

Les corbeaux avaient été surpris. L'un d'eux se fit toucher par le fil et vint en percuter un autre. Adam perdit le contrôle de ses créatures et relâcha son pouvoir. Que s'était-il passé ? Il reprit sa mobilité en sentant ses faibles muscles lui tirer douloureusement de partout. Encore un de ces effets secondaires. L'androgyne cligna rapidement deux fois des yeux avec de faire un pas en arrière. Une voix avait surgit dans la nuit. Il regarda autour de lui essayant de chercher l'épicentre de cette voix mais ne la trouva pas et rapidement se mit à regarder droit face à lui dans une attitude digne, le dos droit. Lui, malade ? Il en avait assez de s'entendre dire cela. Les voix lui disant de manger plus et de prendre du poids revenaient à ses oreilles.

Soudain, il vit apparaître une silhouette qui lui demandait une bonne excuse en s'approchant de la catin. Adam ne répondit pas immédiatement, occupé à contempler la mutante qui se trouvait en face de lui. Il en avait vu des verts (surtout quand il s'énervaient) et des pas murs (ils devaient encore apprendre à maîtriser leurs pouvoirs) mais jamais il n'en avait vu des comme celui-là. Sûrement une fille, au vu de la poitrine mais il se méfiait suite au reste de l'apparence. Ne jamais froisser quelqu'un sur son appartenance à un genre, c'était une règle d'or chez lui. Surtout qu'il était un bon exemple de ce problème. Il l'entendit appeler la fille. De la compassion pour cette traître ? Elle n'en méritait pas tant. Deux yeux jaunes reflétant les faibles lumières de l'endroit se tournèrent vers lui. Finalement, après quelques secondes de silence depuis l'appel de la fille, sa voix s'éleva :

"Te promènes-tu souvent dans les rues de New York City en plein jour ?"

Il laissa passer un petit temps et ajouta d'une voix qui ne regrettait rien :

"Voilà mon excuse."

Adam poussa un soupir et détourna un instant le regard avant de le reporter à nouveau sur la fille. Cela lui avait laissé le temps de réfléchir. Il ajouta à nouveau :

"Je comprends ta compassion mais je ne pouvais me permettre qu'une de nos soeurs ne trahisse notre cause et ne nous fasse envoyer dans des zoos."

Pouvais ? Adam se demandait pourquoi il avait dit 'pouvais.' Pourquoi du passé ?

*Je ne peux pas plus me le permettre maintenant.*

Il attendit néanmoins la réaction de la fille. Il espérait que ses paroles avaient été suffisamment éloquentes sinon, il n'en serait quitte que pour utiliser un peu plus ses pouvoirs. Il regretta dans une pensée amusée qu'il ne puisse pas faire apparaître des objets. La nouvelle mutante en face de lui semblait dériver des araignées. Et ça, ça se combattait avec une bonne bombe insecticide.

[HJ : Boulet que je suis. C'est l'effet de l'utilisation de ton pouvoir >< En plus j'avais lu ta fiche *méga boulet* Hum désolée^^']

Dora secoua légèrement la jeune femme à terre, tout en gardant un oeil - en fait deux, ceux qui étaient pratiquement cachés par la frange sur son front - sur le mutant. Lorsqu'il lui répondit, elle interrompit son examen. Elle dût se retenir de lancer un regard noir au jeune homme. La réponse était évident, bien sûr. Son apparence se remarquait au premier coup d'oeil. Dora prit quelques secondes pour réfléchir, tandis que son interlocuteur enchaînait. Elle était sur le point d'argumenter, mais décida de l'écouter en silence jusqu'à la fin. Son attention se détachait un peu plus de la femme au fur et à mesure que l'autre parlait. Finalement, il prononça un mot qui remit en cause les suppositions de Dora.

- Une de nos soeurs ?! répéta-t-elle, abasourdie. Tu veux dire... une mutante ? Tu as attaqué une mutante ? s'exclama-t-elle.

Elle baissa les yeux sur la jeune femme, sous le choc. Pour elle, une telle chose était quasiment inconcevable. Les mutants devaient s'entraider, pas s'entretuer ! Elle reporta son attention sur le mutant face à elle, et le regarda sans comprendre. Que voulait-il dire ? Envoyer dans un zoo ?

- Elle nous avais trahi, c'est ce que tu essayes de me dire ? Mais pourquoi ? Quel intérêt un mutant aurait-il a trahir l'un des siens ? C'est quelque chose que je ne saisis pas, dit-elle, plus pour elle-même que pour l'autre.

Elle se tut, tandis que deux de ses mains fouillaient entre la toile pour touver le cou de la victime. Elle posa deux doigts sur la veine jugulaire. Un frisson courut le long de son échine. Elle ne trouvait pas le pouls. Dora n'était pas une spécialiste en médecine, mais elle avait assez de bon sens pour savoir que la mutante était soit déjà dans l'au-delà, soit pas très loin de ses portes. Le mieux serait qu'elle voit un médecin au plus vite. Mais elle s'imaginait mal débarquer comme ça aux Urgences, avec son physique arachnéen et dans ses bras une femme enveloppée de toile. Autant porter une pancarte qui dirait "Je suis un monstre sanguinaire". Elle jeta un regard accusateur sur l'homme. Il ne fallait pas attendre de l'aide de ce côté-là. Mais tant pis. Si elle ne faisait rien, elle aurait la mort de cette jeune femme sur la conscience. Et Dora Parks avait déjà assez de choses sur la conscience pour en rajouter.
Elle s'éclaircit la gorge et décida de répondre au mutant, sur un ton prudent :

- Non, il est vrai que je ne me promène pas souvent en ville durant la journée. Mais il m'arrive de le faire, parfois. En faisant des efforts...

Toujours accroupie près de la femme, elle pencha légèrement la tête sur le côté. Inutile de préciser qu'elle sortait toujours sous le couvert d'un grand manteau, et jamais bien longtemps.

- ... De la même façon, je pense qu'il est possible de tolérer les humains, enchaîna-t-elle, avec un regard indéchiffrable pour le jeune homme.

Elle se pencha sur la mutante et la souleva, avec quatre de ses huit bras. Voilà qui était pratique : en dépit de sa faible constitution, Dora était capable de la porter avec une paire de bras supplémentaires. Pour une fois, elle était presque fière d'en avoir quatre de plus que la normale. La mutante arachnéenne se releva dansun mouvement souple, et jaugea un instant du regard son interlocuteur. Quoi qu'il dise, elle ferait son possible pour éviter que la femme ne meurt.

[pas grave, à vrai dire, je m'en doutais. XD Mais ne t'inquiète pas pour ça.]


Adam n'avait pas parlé. Il fallait parfois, souvent même, laisser parler les gens, les écouter et ne leur répondre qu'ensuite. Cela permettait également de réfléchir en même temps à la réponse. Mais lorsque la fille se leva en portant la trainée dans ses bras, Adama vit que le temps n'était plus à la réflexion mais à l'action. Il marcha doucement vers l'araignée et posa la main gauche sur son épaule gauche sans crainte. Son visage était sérieux et ne bougea pas mais il constata avec amusant que la fourrure qui la recouvrait était moin srêche que ce qu'il n'avait imaginé. Comme quoi, il faut toujours faire attention à ce qu'on voit. Il désigna du menton la mourante en l'avertissant :

"N'essaie pas."

Il la regarda droit dans les yeux et continua :

"Je vais te dire pourquoi dans tous les cas, n'essaie pas. Je te fais le topo : tu te précipites au State of Bronx state hospital qui se trouve à dix-quinze minutes d'ici, elle te claque dans les bras et tu es accusée de meurtre, lynchée sur la place publique. Soit elle survit, elle parlera et nous serons tous enfermés et étudiés comme des animaux."

Il lâcha son épaule et recula de quelque pas en la regardant puis lui tourna le dos et alla s'asseoir sur un muret non loin. Il ajouta :

"C'est un conseil que je te donne. Fais ce que tu veux, je ne vais pas t'empêcher de d'utiliser cette liberté pour laquelle je combats. Je reste ici pour quand tu auras fini, c'est tout."

Pour faire suite à ses dires, il croisa les jambes et les bras et s'appuya sur une des colonnes et pousa un long soupir dont on ne pouvait lire les sentiments. Si elle revenait, il repondrait à ses questions.