Vendredi soir autour d'un verre (Annalina)

Encore un vendredi soir où le soleil montrait encore le bout de son nez malgré le froid qu’il régnait dehors. Lilys regarda sa montre. 18h13. Le soleil serait couché dans une heure mais, à travers la baie-vitré du café dans lequel elle était entrée quinze minutes plus tôt, il réchauffait encore son visage.

Cherchant un peu de réconfort après une journée éprouvante, elle été entrée dans se bar qui lui semblait accueillant. Il n’y avait quasiment personne à l’intérieur, alors elle pu se choisir une place confortable donnant sur la rue ensoleillé. Vêtue d’un tailleur strict et noir dont elle avait retiré la veste, une chemise couleur crème légèrement ouverte laissant son cou nu, elle observait les passants dans la rue. Bousculant, hurlant dans leur téléphone, d’un pas rapide, les passants se déplaçaient à une vitesse folle. Quels idiots. Ne pouvaient-ils pas s’arrêter cinq minutes et profiter de se magnifique soleil couchant qui s’offrait à eux.

Perdu dans ses pensées, Lilys ne vit le serveur lui apporter son cream soda que lorsqu’il faillit le renverser sur sa pochette noire. Son regard se posa sur la pochette et Lilys pu s’apercevoir qu’elle n’avait rien. Elle soupira. Elle s’occuperait de corriger ses copies se week-end … s’il pleuvait ou si elle n’aurait rien de mieux à faire. Elle posa distraitement ses lèvres légèrement maquillé sur la paille de sa boisson et en avala une gorgée. Depuis son arrivé un mois plus tôt elle en été fan. Ce cocktail fait de soda et glace vanille, si sucré, étaient un délice, et lui rappelaient ses dix ans.

Elle réalisa soudain que le bar s’était rempli un peu plus. Elle hésita à regarder sa montre car elle se voulait trop sérieuse depuis son arrivée à New York. C’était décidé, se soir elle rentrerait tard, bien que ne sachant absolument pas se qu’elle ferait de sa soirée. Ayant pris cette décision, elle regarda sa montre. 19h00. Elle observa à nouveau le soleil qui avait déjà à moitié disparu derrière l’horizon.

Pour une fois Annalina avait réussit à partir tôt du boulot. Enfin tôt. Il était 19h moins 10. Mais bon, en temps normal, elle ne partait de BioM que vert 20h. Alors partir avant 19h c'était formidable. Et totalement exceptionnel. On ne pouvait pas être CEO, bras droit du Carpocapse et avoir ses après-midi de libre. C'était un choix à faire. Et il était fait depuis longtemps. Pour rien au monde Annalina n'aurait changé sa place pour celle de quelqu'un d'autre.

Elle avait passé une journée de folie. Avait failli massacrer 2 directeurs de laboratoires (chacun le sien) tellement ils étaient insupportable à chipoter sur des détails de budget. Et Untel ne voulais pas prendre Bidule dans son secteur parce que ... tandis que Machin ne voulait pas prendre Bidule parce que... Et bla et bla et bla. Il lui avait fallu une très grande maîtrise d'elle même pour ne pas les poignarder l'un et l'autre et pour négocier afin que chacun soit un minimum satisfait. Elle avait légèrement utilisé son pouvoir pour les faire infléchir vers la fin, car sans cela ils en auraient eut pour 3h de discutions supplémentaires. Et là elle aurait fini par craquer. D'autant plus qu'Adam n'était pas la pour l'empêcher de commettre l'irréparable. Ceci dit, ces directeurs n'étaient que de simples humains, deux de moins, deux de plus,... Seulement ce n'était pas encore l'heure. Elle avait donc garder ses poignards caché à leur place et s'était évertué à régler la situation problématique. Ce qui lui avait pris presque tout l'après midi. Comme si le CEO d'une entreprise telle que BioM n'avait que ça à faire.

Pourtant ce matin là, elle s'était levé d'excellente humeur, les premiers rayons du soleil avaient pointé le bout de leurs nez quand elle était partie de chez elle dans un superbe tailleur noir à jupe droite lui arrivant à mi-cuisse. Elle portait une chemise en soie beige clair à manche courte et bouffante dont les premiers boutons étaient ouverts et un collier de perles ornait son cou fin. Perché sur une paire de talon aiguille noir à bout rond, le tic tac de ses talons se répercutait en échos entre les immeubles. Ses cheveux longs tombant en cascade sur ses épaules jusque dans le bas de son dos et bougeant au rythme de ses pas. Classique. Mais sexy.

L'avantage de la soie c'est qu'après cette éprouvante journée, on aurait dit que son chemisier sortait du placard. Son sac à main noir à l'épaule (sa sacoche de travail était restée à BioM et elle la récupérerait plus tard, si elle avait le temps ou l'envie de travailler pendant le week end), elle se promenait dans le Bronx à la recherche d'un café ou d'un club sympa, où elle pourrait prendre un verre, car elle avait un sérieux besoin de décompresser.

Se laissant convaincre par la façade avenante d'un club, elle en poussa la porte et entra dans la pièce. Il faisait chaux mais pas au point que ce soit désagréable. Malheureusement le club était presque plein. Le bar n'avait pas une place de libre et peu de table avait un siège disponible. Dommage, elle ne pourrait pas avoir de table pour elle seule. Il allait falloir s'accommoder d'un compagnon d'infortune.

S'avisant d'une table profitant particulièrement du restant de couché de soleil, elle remarqua qu'une jeune femme d'à peu près son âge y était attablé. S'approchant tranquillement, elle se pencha vers la jeune femme qui était elle aussi vêtu d'un tailleur, à la différence qu'elle portait un pantalon.
"Puis-je m'assoir à votre table? J'ai peur qu'il n'y ait plus de table disponible." Le ton était neutre, ni agressif alors qu'elle aurait mordu n'importe, ni mielleux car elle n'aimait pas être hypocrite, surtout quand ça ne lui rapportait rien.

Lilys étant toujours perdu dans ses pensées, elle ne vit pas la femme s’approcher de sa table avant qu’elle ne lui adresse la parole pour lui demander si elle pouvait s’assoir à sa table, le reste du club étant plein. Elle jeta un bref regard sur les autres tables et s’aperçue que la femme avait raison, le club était effectivement plein, ou presque. Elle leva les yeux vers la femme qui attendait visiblement une réponse alors que d’autres auraient posé la question dans un souci de politesse mais se seraient assis sans attendre de réponse. Lilys lui sourit.
« Bien sur, je vous en pris. » Lilys avait dit cela sincèrement. Alors que le club pouvait parfois regorger de soulard, ne pensent qu’à boire et à draguer (un point commun avec les français, mais il ne faut pas leur dire, ça les contrarieraient), la femme semblait rechercher la solitude. Elle la détailla rapidement : elle attirait l’œil. Vêtue d’une jupe noire et d’une chemise beige, des tallons noires la rendant encore plus féminine, il se dégageait d’elle une sensation de pouvoir. Elle semblait si frêle et si forte à la fois que Lilys la regarda s’assoir en face d’elle sans la quitter du regard.

Réalisant qu’elle était impolie, son cœur se mit à battre rapidement. Lilys baissa les yeux et bu une gorgé de son cream soda. Elle espérait que la femme n’avait pas remarqué la façon dont elle l’avait détaillée. Gênée par elle-même et par son inconvenance, Lilys peinait a calmer son rythme cardiaque. Elle se força à respirer calmement et se répétait sans cesse à elle-même * calmes-toi Lilys, calmes-toi. Tu n’as aucune raison de paniquer *. Au bout de quelques minutes, elle réussit enfin à faire réduire l’intervalle des battements de son cœur. Elle bue à nouveau dans son verre et tourna son regard vers l’extérieur. Dommage, le soleil était déjà couché. Le ciel s’était teinté de plusieurs nuances d’un bleu foncé magnifique. La rue s’était animée et était éclairée par des lampadaires. La nuit en perdait toute sa beauté.
« Les gens ne se rendent pas compte de toute les beautés qui se trouvent autour d’eux. Vous ne trouvez pas ? »
Lilys avait tourné son regard vers la jeune femme assise face à elle. Se rendant compte que sa réplique pouvait être mal interprétée, elle ajouta :
« Le ciel est pourtant si beau quand la nuit tombe et que toutes ces nuances viennent le teinter. »

Alors que la jeune femme qui lui faisait place lui permettait de prendre place à sa table, Annalina posa son sac sur la table avec douceur et assurance, ôta sa veste qu'elle posa soigneusement sur le dossier et s'assit enfin, croisant les jambes. Alors qu'elle ne regardait pas la jeune femme qui lui faisait face, elle sentait les regards posés sur elle, dont celui de sa compagne de table. Elle avait remarqué depuis quelques années l'attraction et l'attention des gens sur son passage. Si cela l'avait gêné au début, à présent elle s'en servait comme une arme. Mais pour l'instant, elle ne voulait pas riposter contre la jeune femme qui lui faisait face et fit celle qui n'avait rien vu, bien que celle-ci la dévisage avec insistance.

Alors qu'un jeune serveur passait à proximité, elle lui fit signe de s'approcher afin de passer commande. Commandant un cocktail non alcoolisé, elle regarda sa compagne. Celle ci ne semblait pas être très calme, car Annalina la voyait chercher à calmer le rythme de sa respiration, ce qui n'est pas toujours une chose aisé. Mais elle la laissa faire. De toute façon, elle n'avait rien à gagner à la brusquer.

Le serveur arriva avec un superbe verre au contenu coloré, aux les bords colorés et sucré, deux ou trois morceaux de fruits pour la décoration et une paille, alors que la jeune femme reprenait la parole. C'était une question, mais se rendant compte que cela pouvait être mal interprété, elle compléta ses paroles. Cela fît sourire Annalina, pas un sourire carnassier ou mesquin, juste un sourire un peu triste, le couché de soleil n'était que le début de la nuit, moment attendu pour passer à l'action :
"Peut être tout simplement qu'ils trouvent cela normal. Peut être que si le soleil n'était pas aussi ponctuel et routinier on y ferait plus attention. Mais il me parait difficile de demandé au soleil de modifier ses apparitions au dessus de nos tête. De plus, la beauté n'est qu'une question d'appréciation et c'est une notion très subjective. Il doit y avoir des gens sur terre qui détestent les couchés de soleil pour des raisons qui leurs son propre? Qu'en pensez vous?".

Mais il était vrai que ce couché de soleil était magnifique. Seulement un beau couché de soleil ne remplit pas les assiettes, à défaut cela peut combler en partie le vide de certain cœur. Annalina avait choisit une vie qui ne lui permettait pas de s'extasier devant les beautés de la vie. Non pas qu'un tueur ne peu apprécier la beauté des éléments - peu importe lesquels - mais son double emploi ne lui en laissait pas souvent le loisir.

Après avoir dit ce qu'elle avait à dire, Annalina pris enfin son superbe cocktail pour y goûter. Les différents couches colorés du verre avaient des goûts différents, fruits de la passion, kiwi, fruit rouge, un peu de banane aussi. c'était bon et rafraichissant. Elle reviendrait probablement de se bar. Quand elle aurait de nouveau une soirée de libre. C'est à dire que ce n'était pas pour bientôt. Il faudrait donc qu'elle pense à demander une carte du bar avant de partir. Sans quoi elle ne se rappellerait de cet endroit. Pour reprendre une certaine formule connue : "Trop de choix tue le choix". Et des bar dans New York ce n'est pas ce qu'il manque. Bien au contraire.

Lilys n’attendait pas forcement de réponse à ses questions. Elle fût donc surprise d’entendre sa compagne de table lui répondre, en arborant un petit sourire qui lui rappelait celui qu’avait sa meilleure amie, restée en France, lorsqu’elle parlait de son frère disparu. Un sourire discret mais triste de celui qui réalise qu’une seule seconde peut être importante pour quelqu’un, et totalement dérisoire pour une autre.

Lilys se focalisa néanmoins sur ce qui lui répondait la jeune femme. Quand elle eu fini, cette dernière prit le verre coloré, qu’un serveur lui avait apporté quelques minutes plus tôt, pour y tremper ses lèvres. Des lèvres merveilleusement maquillées soit dit en passant. Lilys attendit que sa compagne de table eu fini de boire pour lui répondre :
"Vous avez raison. Chacun à sa propre définition de la beauté d’une chose. Je me dis parfois que je suis trop rêveuse, trop souvent ailleurs. J’en oubli que je ne suis pas d’ici et que je suis différente des Américains, qui se consacrent trop a leur boulot à mon gout. Mais je vous ennuis encore avec mes divagations. Pardonnez-moi. Je ne dirais plus mot, du moins je vais essayer."

Lilys avait lancé cette dernière phrase avec un sourire pour montrer qu’elle ne pensait pas à mal en adressant la parole à cette femme ; conversation involontaire car elle se parlait surtout à elle-même, comme d’habitude. Mais elle ne regrettait pas que la jeune femme lui ait répondu. Au contraire, cela faisait presque trois mois qu’elle était arrivée, et elle n’avait parlé qu’avec quelques collègues qu’elle trouvait trop rasoir à ne parler que de leur travail ou des étudiants qu’ils trouvaient brillants ou cancres.

Lilys regarda sa montre et fit la grimace. Elle avait promit d’appeler rapidement sa meilleure amie la dernière fois qu’elle lui avait parlé. Elle devait lui confirmer qu’elle avait prit son billet d’avion pour son retour en France prévu dans 8 mois. Elle pensait y descendre quinze ou vingt jours pour voir les quelques amis qu’elle avait laissé là-bas. Mais vu l’heure tardive qui s’affichait sur sa montre, la nuit était beaucoup trop avancée pour appeler son pays. Elle secoua son poignet gauche pour replacer sa fine montre d’argent.

» Annalina Bluestone